Description
Dans un superbe avant-propos, Diane Descôteaux explique les circonstances qui ont entouré la création de ce livre :
[Jocelyne Aquin] me contactera le 13 janvier dernier pour m’annoncer sa fin toute proche et pour me partager son dernier haïku que nous retravaillerons ensemble. Incapables de nous en tenir à ce seul poème, nous entamerons, ce même jour, l’écriture de l’ouvrage de haïbun que voici…
L’écriture permet à la malade d’affronter avec courage, lucidité, et une relative sérénité, la phase terminale de sa vie. Elle écrit pour contrer la fuite inexorable de toutes ces particules qui s’écoulent en silence dans le sablier du temps…
glisser hors de soi / bercée au rythme des vagues – / l’heure des cachets
Professionnelle de santé, elle s’est investie sans compter, sa vie durant, pour aider et secourir les populations, au Québec, au Mali, au Burkina Faso, au CLSC (Centre local de services communautaires) Jean-Olivier-Chénier, à Saint-Eustache (Qc). Sans expérience de l’écriture, elle a relevé le défi qu’elle s’est lancé : écrire son livre en quelques semaines, avant de s’éteindre. Le genre choisi, le haïbun, convient particulièrement à l’évocation de cette phase délicate. Certes, la maladie progresse mais, parallèlement, le cheminement intérieur de la personne s’affirme. Il faut accepter de renoncer, c’est-à-dire avancer sur la voie du lâcher-prise.
Diane Descôteaux, qui a mis tout en œuvre aussi pour que Jocelyne mène à bien son projet, définit ainsi la physionomie des pages :
…la lecture suit un mode aléatoire plutôt qu’un ordre chronologique. On voyage, d’hier à aujourd’hui, mais toujours au présent.
Loin de donner dans le pathos, l’autrice trouve encore matière à s’étonner, se réjouir et remercier.
Le hasard nous offre / de formidables moments de grâce / …jusqu’ à la fin
Cet état d’esprit traverse le récit, lui donnant puissance et lumière. Évidemment, les moments d’abattement existent, mais ils ne sont jamais envahissants. La délicatesse et la pudeur sont ici remarquables : la vie est intensément célébrée pour les occasions de communion et de bonheur qu’elle offre ; mais, en contrepoint, il est difficile de taire complètement les coups durs de la destinée.
Dans son introduction, Jocelyne Aquin fixe elle-même le ton, brièvement…
Je ne peux pas résumer ma vie en trois lignes… J’essaie de vivre ces dernières semaines entourée de mes amours dans une bulle de paix. Nous rions, nous pleurons et nous nous souvenons de tout ce beau temps passé ensemble, et du moins beau aussi…
Noël bientôt – / résultats d’examen / irrévocables
Elle souligne une capacité de résilience qu’elle doit, affirme-t-elle, à tous ceux qui la soutiennent et l’accompagnent dans l’ultime épreuve. Des pages sublimes qu’aucun discours ne saurait restituer… Écoutons plutôt Jocelyne :
Après moi
Aujourd’hui, je me projette dans un avenir qui ne m’appartient pas. Celui de ma famille, mes ami(e)s, mes connaissances. Avec l’espérance qu’ils me reconnaîtront dans les couleurs des vivaces du jardin, dans le parfum du tendre lilas que j’ai soigneusement taillé à chaque année, dans l’odeur des beignets aux pommes d’automne, dans ces décorations de Noël personnalisées ou dans le crissement des raquettes sur la neige de janvier.
héritage – / toujours vivante à travers / l’odeur du lilas
Jusqu’au bout de moi force le respect et l’admiration envers Jocelyne Aquin. Il s’agit-là d’un témoignage exceptionnel.
On ne peut que féliciter également toutes les personnes, Diane Descôteaux en tête, qui ont œuvré pour la réalisation du souhait le plus cher de l’autrice : finir l’écriture de son livre avant de quitter les siens, ses amis et ce monde.
Danièle DUTEIL
Dès l’introduction, Diane Descôteaux nous entraîne dans l’atmosphère des haïbuns de Jocelyne Aquin qu’elle a accompagnée dans la réalisation d’un ultime rêve. La pierre angulaire du recueil, seize février / un dernier coup de houppette / de son poudrier (p. 5), rappelle le dernier mouvement de toute son aventure dans une presque symétrie littéraire avec seize février / un ultime coup de plume / dedans l’encrier (p. 7), le dernier geste de la concrétisation de son rêve.
Aquin partage 45 haïbuns, dont 15 très courts, souvent moins de 2/3 de page. Le recueil comporte 14 illustrations de Laura Desjardins, dont quelques-unes en noir et blanc. La jaquette du livre est conçue à partir d’une peinture de Nathalie Dupont.
L’autrice écrira : Je ne veux pas résumer ma vie en trois lignes (p. 9); d’ailleurs, qui le souhaite ? Pourtant, le haïku l’aidera à réaliser son projet qu’elle ne verra jamais. Par la juxtaposition des mains de ses enfants, elle parcourra chacune des lignes comme un héritage / toujours vivante à travers / l’odeur du lilas (p. 12) de son jardin.
Les haïbuns, en ordre non chronologique, ne laissent pas entrevoir une fin inéluctable. Chacun est une pièce du casse-tête qui n’attend que l’assemblage mental du lecteur avec la toute dernière page.
Elle apprend, seule, à l’hôpital qu’elle ne pourra pas guérir. Nous sommes en novembre
2020, pendant la Covid-19. On palpe le Désarroi dans ce long haïbun (p. 34-36) empreint de solitude par l’impossibilité d’être avec sa famille ou Sylvie, sa meilleure amie. L’autrice exprime une vérité universelle, si importante dans un tel moment : dans une main / trop de doigts pour compter / les vraies amies (p. 33).
Cette infirmière clinicienne évoque sa famille, ses amis, ses petits bonheurs, ses moments d’hospitalisation sans ambages, avec lucidité. Elle attendra trois semaines avant que le verdict sur la lame / du microscope se joue / [de] mon avenir (p. 19), car le temps lui est compté. Quant à la résilience, nous la percevons dans différents textes. Elle accepte de mourir en espérant le meilleur / mais prête pour le pire / ma [nouvelle] devise (p. 25). Elle se pose, et nous pose, une grave question face aux fréquents changements de dosage des médicaments, à la douleur, à la nausée et aux vomissements : Jusqu’où souffrir pour rester vivante ? (p. 37) quand on a l’impression de mourir avant son temps ?
Ainsi, à son premier cancer, en 2015, elle puisait son réconfort dans sa boîte à bonheur où elle accumulait tous ses petits trésors. Avec celui-ci, son soutien provient de sa chaudière à courage virtuelle. Elle souhaite aller, à la limite de ses capacités et écrire une soixantaine de pages, mais le temps presse et elle se questionne : autrice / aurais-je le temps / de me relire ? (p. 43). Sa condition physique se dégrade et elle doit faire des choix, mais aussi continuer de vivre quinze minutes à la fois (p. 48). C’est aussi ça la vie, c’est aussi ça réussir / dans la vie / et dans la mort (p. 51). C’est aussi poser des gestes symboliques pour se rassurer. Parfois, c’est une lecture qui apaise comme le recueil L’Ours aux 100 noms d’Huguette Ducharme qui l’a profondément émue et réconfortée, sans négliger la beauté au quotidien avec les levers de soleil. Parfois, la vie a des complications, elle contraint à emprunter un sombre tunnel / [où l’on crie :] rallumez la lumière / s’il vous plaît (p. 61) la gorge nouée. La tête lutte et le corps abdique. La colère gronde, devient sourde, puis dévastatrice jusqu’à l’accalmie. Mais les souvenirs des beaux soupers de la fin de semaine avec ses enfants replacent les humeurs maussades comme soixante ans plus tard / dans ce macaroni / [où] le goût de l’enfance (p. 73) renaît à son retour à la maison malgré la perte d’autonomie. Depuis, elle ne cesse d’écrire à travers les maux / juste pour le plaisir des mots / [car] le ciel peut attendre (p. 82) bien que son état se détériore. Enfin, elle conclut que mourir, c’est emprisonner la vie dans une boîte pour l’éternité (p. 90).
Jusqu’au bout de moi est à lire l e n t e m e n t pour mieux ressentir les émotions de Jocelyne Aquin pendant ses dernières semaines d’hiver, sa saison bien-aimée.
Claude RODRIGUE
Carole Daoust –
Je suis 100 mots Diane pour te dire toute mon admiration pour votre travail acharné: un accomplissement des plus remarquables.
Dès les premiers mots, je fus captivée, émue, privilégiée de ce partage poignant et merveilleux tout à la fois, tant, que non seulement j’ai tout lu, tout vu, tout entendu, tout ressenti; c’était comme si je visionnais un film gravé dans le temps.
Bravo à vous 2.
Janick Belleau –
« Jusqu’au bout de moi » : extrêmement touchant. Je l’ai lu len-te-ment… afin d’accueillir chaque réminiscence confiée au seuil de la mort. Quel courage à l’heure de graves souffrances, quelle détermination à l’heure du grand départ, que de réussir à écrire sa vie pour la partager avec sa famille, pour garder une trace de beaux, bons, tristes, douloureux moments. En tant que parfaite inconnue, je me sens privilégiée d’accéder à la voix intérieure de l’autrice.
Diane LAFORTE –
À la lecture de ce magnifique texte, j’ai rencontré en la personne de Jocelyne quelqu’un que je ne connaissais qu’à travers [trois femmes]. Je pense que j’aurais eu beaucoup de plaisir à discuter avec elle. Il m’a semblé que tellement de choses nous relient, dont le milieu médical, la beauté de l’hiver, les marches en forêt, et la fierté que nous procurent les enfants devenus grands.
Avec son immense talent, elle a su non seulement capturer l’essentiel, mais nous entraîner avec elle à travers les méandres de sa douloureuse condition de santé, sans toutefois nous en accabler. Elle a gardé un tel équilibre, et la justesse du ton et des propos est incroyable. Les illustrations sont également remarquables. Toutes les personnes qui ont collaboré de près ou de loin à ce magnifique récit doivent éprouver beaucoup de fierté d’avoir permis à Jocelyne de réaliser un dernier rêve. Bravo à tous et à toutes !
Ginette LEVESQUE –
Voilà, j’ai terminé « Jusqu’au bout de moi ». Quel livre lumineux! Cela m’a replongé dans mes souvenirs de la fin de vie d’une grande amie qui m’avait choisie pour l’accompagner dans ses dernières volontés. Un immense cadeau, une magnifique leçon de vie. Grâce à toi, Diane, Jocelyne brille parmi nous.
Léonie CÔTÉ –
J’ai commencé à lire « Jusqu’au bout de moi » et, en plus d’être très touchée par le texte, je suis impressionnée de la façon dont il est écrit. Très très bien fait, bravo !