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Poème classique - Averse d’étoiles

…Car l’humanité veille à sa pérennité.
Naître, vivre et mourir… Voilà la trinité!
Et, que l’on soit sujet ou prince de royaumes,
Nul ne peut se soustraire à ces trois axiomes!
Or il en est ainsi depuis la nuit des temps:
L’aube naît de l’aurore et l’été du printemps
Et, sans jamais jamais faillir à ces règles constantes,
Le recommencement des choses existantes
Se prolonge au-delà de notre entendement,
De la pure logique et de tout fondement.

Ainsi passe la vie, ainsi tourne la roue
Et la corde où l’on marche, à la mort se dénoue…

(in À propos de l’enfance…)

 

L’orateur et le savetier

La gent d’une province eut le goût et l’envie
D’un tantinet s’instruire aux principes de vie;
On fit venir de loin un savant orateur,
Dont les justes conseils transportaient l’auditeur,
Tant et si bien qu’alors l’assistance en délire
N’y découvrit en rien quelque chose à redire;
Mais un manant célèbre à la communauté
La parole reprit sans en être invité.

« Par amour de justice or le devoir m’impose,
En tant que commerçant, d’interdire la prose
De ce fieffé coquin et pis cet imposteur
Qui trompe vos esprits de son verbe flatteur!
Quand ses vieux oripeaux sont l’unique fortune
Qu’il vous peut étaler du haut de sa tribune,
En prêchant le bonheur, qu’il vous dit être sien,
Il s’y prend par la ruse à saisir votre bien. »

« Comme il serait facile à le mettre à sa place,
Répartit le rhéteur, mais j’y perdrais la face!
La guerre ne se gagne avec un seul combat
Or laissons ce quidam au milieu du débat;
Car selon ses propos, l’on trouverait de mise
Qu’au lieu de mon savoir, j’expose ma chemise,
Alors qu’à son endroit, je ne vois plus qu’assez
Que pour un cordonnier il est fort mal chaussé.
Mais si votre escarpin réclame une semelle,
Courez au savetier… m’est avis qu’il excelle! »

Si parfois l’équipage attire les regards,
Les sots n’accorderont d’importance qu’aux fards;
Gardez-vous de juger les hommes à la toise
Car trop de bienfaiteurs ne sèment que la noise…

Fable

 

 

Regard possible: Le bel ordonnancement

Dans ce recueil, Diane Descôteaux est une poète parfaitement classique, sauf pour un texte. On sent qu’elle fait de ses poèmes de multiples habitations privées, et des mots, les personnages qui y logent. Elle aime la chair des mots, leur pulpe généreuse; elle aime se mesurer Recueilmots et les mesurer. Elle a un élan plutôt joyeux et alerte, ce qui n’est nullement incompatible avec le classicisme pur de son écriture. Elle a une maîtrise parfaite de l’alexandrin, qu’elle n’utilise jamais mollement, jamais sans discernement. L’élégance formelle de son écriture est incontestable.

 

Les poèmes de cette Québécoise ne sont pas nourris de pensées compliquées, de thèmes philosophiques ou autres hiéroglyphes difficiles à déchiffrer. Ils parlent d’amour, de liens familiaux, de paysages, de poètes, d’histoire et de tout ce qui fait que la vie est elle-même. Ils rendent hommage aux êtres et aux choses, à la nature et à la vie, sans jamais tremper leurs pieds dans le venin. Diane Descôteaux, qui aime le bel ordonnancement de l’existence, de même qu’elle aime la belle architecture du poème et la rectitude des comportements, organise et présente grâce à ces (ses!) exigences, sa propre morale et sa propre philosophie: l’amour en est le principe, la nature en est la gloire. D’ailleurs, je crois que notre poète n’outrepasse pas ses droits sur ce qu’elle comprend du monde, et semble laisser l’invisible au Créateur, puisque:

 

« Or, au commencement, Dieu créa ciel et terre… »
(in Hymne à la création)

 

Mais, ne nous y trompons pas; Madame Descôteaux n’est pas indifférente à ce qui se trame autour d’elle. Aussi est-elle parfois encline à traiter des sujets historiques, musicaux ou mythologiques, par exemple. Elle effleure aussi la maladie ou l’avortement, évoqués dans un long poème « À propos de l’enfance… », texte qui me semble fataliste et qui traduit le déroulement d’une vie ordinaire.

 

« […] Or, l’avortement sait compter les derniers jours
De l’embryon fragile et, du sein de sa mère,
L’arrache et le renvoie au ventre de la terre… »
(in À propos de l’enfance…)

 

Certains vers qui jalonnent le recueil pourraient servir d’aphorismes et sont les révélateurs de la droiture du poète, démontrant par la même occasion comment elle « encadre » sa pensée souveraine sans lui donner une limite aléatoire dans l’esprit.

 

« Ayons l’air d’un lion plutôt que d’un mouton
Et ne partageons pas, avec lui, de croûton […] »
(in Rien n’arrête le vent)

 

Recueil d’amour, de foi, de paix, « Averse d’étoiles » rafraîchit le lecteur de sa pluie roborative et de sa lumière apaisante, sans jamais avoir cette suffisance qu’ont souvent les vers classiques actuels. Cette poésie classique jouit de la même liberté que son auteur.

 

Étienne PARIZE
publié dans la revue Jalons n°86
4e trimestre 2006 – Vichy, France

Classique - Averse d’étoiles

15,00C$Prix
  • Olivier Marchand – 11 août 2021

    J’ai lu le recueil de haïku haïtien avec gourmandise.
    L’autrice ne cache rien de ses ébats.
    C’est libérateur.
    Ce petit livre a bien des qualités.
    Il a été publié en Haïti et on y proclame les bienfaits cliniques du haïku.

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